L'ÉDUCATION DE DEMAIN,
AUJOURD'HUI
UN PARADOXE ÉVIDENT
La société moderne crée d’énormes pressions sur le système scolaire. L’éducation ne suit pas le rythme de la société et l'écart entre les deux continue à se creuser. Malgré les efforts et les investissements pour être à l'affût des avancées technologiques, préparer les apprenants à leur avenir reste un enjeu majeur, notamment dans un modèle et des pratiques datant du 19e siècle. VICA (VUCA en anglais), acronyme pour décrire le monde « volatil, incertain, complexe et ambigu », où l'environnement numérique plus est collaboratif et malléable, paradoxalement, devient un obstacle et suscite de nombreuses inquiétudes. Les études sont nombreuses à le démontrer.
À la lumière des besoins de main-d’oeuvre actuels et des attentes de la société et de la
concurrence internationale, les entreprises sont appelées à changer rapidement pour être
rentables, incitant les écoles à préparer les apprenants à cette société changeante. Toutefois, les employeurs constatent que les jeunes ne sont pas prêts pour réussir dans la nouvelle économie axée sur le développement des habiletés. De plus, le désengagement des apprenants dans les activités scolaires est à la hausse dû au manque d’occasions d'apprentissage expérientiel. Bien que la technologie permette d'accroître la réussite et la motivation scolaires (Fullan, 2013), son évolution doit impérativement favoriser une pédagogie qui évoque la créativité et l’innovation, et dans laquelle l’apprenant est actif et acteur. En outre, la formation et le développement des employés en cours d’emploi, incluant le personnel de nos écoles, sont limités par rapport aux pays comparables. Et qu’en est-il de l’éducation inclusive dans les écoles et les communautés? De nombreux jeunes ne parviennent pas à participer pleinement à la vie de leur communauté. Pourtant, chaque enfant a le droit de réussir et développer.
Face à la nécessité de renforcer l’éducation inclusive, de promouvoir une culture d’apprentissage continu et de rétrécir le fossé entre l’école et la société, la pression est forte sur le système éducatif pour lui insuffler un nouveau souffle afin de s’ajuster à cette nouvelle réalité. Le rattrapage en éducation semble évident pour que nos jeunes puissent contribuer à un monde différent de celui d’aujourd’hui. La collaboration collective entre écoles et entreprises permettra de se donner les moyens pour rester compétitif dans l’ère de l’industrie 4.0 et de la société 5.0 afin de mieux répondre aux révolutions industrielles, imprégnées du numérique et de la robotique interconnectée qui apportent des changements fondamentaux tant dans les systèmes et processus que dans les modes de gestion et de la main-d’œuvre. Les jeunes du Canada atlantique, notre main-d'œuvre d'aujourd'hui et de demain, soutenus par les parties prenantes tout au long de la transition école-travail, développeront des compétences numériques pour s'adapter et répondre aux exigences d'une économie axée sur la technologie. Ce précieux capital humain profitera aux entreprises, aux communautés et aux écoles en déclenchant de nouveaux environnements d'apprentissage, en encourageant l'adoption d'une stratégie numérique et une redéfinition des métiers.
AFFRONTER LA RÉALITÉ
Il est évident que l'éducation doit s’adapter et relever les défis créés par ces changements rapides. Des organismes éducatifs pointent de nouvelles avenues susceptibles d’améliorer l’éducation de nos jeunes, notamment la collaboration, la créativité, la résolution de problèmes, etc., des habiletés qui leur seront à jamais indispensables. En fait, l'OCDE, dans son projet «The Future of Education and Skills : Education 2030», souligne que l'apprentissage passe non seulement par l’enseignement et l’évaluation, mais aussi par la co-construction des savoirs. En effet, dans les écoles efficaces, les enseignants et les apprenants deviennent co-créateurs dans le processus d'enseignement-apprentissage, accompagnés de parents et de membres de la communauté, y compris des entreprises, qui guident en collaboration les apprenants vers leurs objectifs afin qu'ils puissent donner un sens à toutes les occasions qu’offre ce nouveau virage numérique. Cet apprentissage personnalisé vise à soutenir et à motiver les apprenants à cultiver leurs passions, à établir des liens entre diverses expériences et occasions d'apprentissage, à concevoir leurs propres projets et processus d'apprentissage en collaboration avec d'autres, et à acquérir et maintenir de solides compétences en littératie et en numératie.
Déjà, en 2016, le plan du MÉDPE, Donnons à nos enfants une longueur d’avance, ciblait des objectifs pour répondre aux besoins d'une société innovatrice, notamment : une vie équilibrée, une citoyenneté engagée et éthique, le désir d’apprendre tout au long de sa vie. En outre, Succès chez nous : Un livre vert sur l’éducation au Nouveau-Brunswick (2019) signale non seulement l’importance de valoriser l’éducation comme moteur économique, social et démocratique, mais aussi l’urgence de réinventer les écoles soutenues par la communauté et les entreprises locales et internationales. De son côté, Jetté (2015) souligne l'importance de renforcer la capacité de changement social de la communauté, ce qui, selon elle, implique une éducation nécessitant une refondation des structures de pouvoir. Plus récemment, l'étude de Lachapelle et Bourque (2020) indique que la collaboration collective profite à la communauté en développant la résilience.
D’UN ÉGOSYSTÈME À UNE ÉCO-COMMUNAUTÉ
Écoles innovantes → Personnes créatrices → Communauté intelligente
Bien que le capitalisme du XXe siècle ait favorisé une croissance économique massive, y compris l'innovation et la prospérité, il a contribué aux inégalités sociales et même aux défaillances du marché. Alimenté par le besoin d'estime de soi, de pouvoir, d'accumulation de capital et de concurrence, cet égosystème est basé sur les résultats et non sur le nombre de participants à l'économie. Contrairement à l'égosystème, l'éco-communauté embrasse les valeurs universelles et l'interdépendance, nécessitant la collaboration et le partenariat de tous pour participer à l’économie.
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Partenariat : Établir une relation pédagogique avec des experts externes, des mentors et des enseignants pour faciliter l'accompagnement des apprenants dans nos écoles;
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Sensibilisation à la carrière : Mettre en évidence et valoriser les besoins et les opportunités au N.-B.;
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Apprentissage expérientiel : Offrir des situations d'apprentissage authentiques et signifiantes aux apprenants;
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Apprentissage virtuel : Connecter les apprenants aux occasions d’apprentissage et de carrières, peu importe où ils sont, et développer un corpus de connaissances partageables.
Le projet S'entr'Apprendre accorde une place importante aux enjeux du numérique sur le marché du travail et en éducation. Il vise à créer un environnement éducatif permettant de combler le décalage entre le monde de l’éducation et le monde du travail afin d’assurer une véritable éducation inclusive qui favorise l’intégration professionnelle des apprenants à la nouvelle réalité économique. Le terme S’entr’Apprendre est composé des mots « entre » et « apprendre », faisant référence à la possibilité d’apprendre ensemble, de co-créer avec les autres. Cet écosystème, mettant en avant un réseau d’apprentissage communautaire, favorise une éducation personnalisée en valorisant la contribution des enseignants, parents, chercheurs, apprenants, entrepreneurs et autres partenaires à collaborer à la recherche de solutions décentralisées pour atteindre l'autonomie des écoles.
La collaboration communautaire, au coeur du projet S'entr'Apprendre, est le fondement de l’amélioration du système éducatif. Lorsque les écoles et les communautés collaborent à la résolution de problèmes, elles soutiennent des projets éducatifs en vue d'améliorer le monde qui les entoure, générant un haut sens de responsabilité et d'engagement des deux côtés. En outre, selon Beaumont, Lavoie et Couture (2009), il en ressort un fort sentiment d’appartenance, d’efficacité et de motivation des enseignants à s’engager dans leur école, tout en profitant de l’expertise et de l’expérience d’autres acteurs communautaires (domaine des services, des entreprises, etc.).
Arrimé avec la vision et les valeurs du MÉDPE tels que le « Projet de vie et de carrière » (secteur francophone) et le « Personalized Learning » (secteur anglophone), le projet S'entr'Apprendre répond aux besoins de la communauté d’optimiser une économie mondiale plus verte. Les formations, en mode présentiel, à distance et hybride (combinant les deux), enrichissent l’apprentissage grâce à l’interaction de professionnels issus des communautés, des provinces et des pays avoisinants dans des initiatives technologiques visant à résoudre des problèmes environnementaux et culturels tels que les changements climatiques, l'énergie propre, les droits et le respect pour les peuples autochtones, les diverses ethnies et les nouveaux arrivants. Au lieu de limiter l’apprentissage à une seule approche et à un lieu fixe, le projet propose des modes d’apprentissage entièrement repensés et adaptés au monde d’aujourd’hui. Les membres de la communauté et les acteurs économiques sont présents et actifs dans le parcours scolaire, offrant aux apprenants une expérience du monde réel tout en les préparant à cette nouvelle ère du travail. Le projet invite les écoles, les communautés et les industries à embrasser l'innovation comme une variable qui favorise l'apprentissage ainsi que le développement des communautés et des écoles saines, prospères et inclusives.
DES AVANTAGES POUR TOUTES ET TOUS
En participant au projet S'entr'Apprendre, les écoles élargissent leur bassin de ressources, freinent le travail en silo et aident les apprenants à se développer et à apprendre dans une économie en constante évolution sur le plan régional, provincial et mondial. Plus précisément, le projet S'entr'Apprendre vise les buts suivants :
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Restaurer la confiance des parents et de la communauté dans l’école et l'apprentissage à travers des projets qui reflètent les priorités locales;
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Accroître l'autonomie professionnelle des directions d’école et personnel scolaire;
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Favoriser l’éducation inclusive et le mieux-être;
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Renforcer le rôle des écoles dans les communautés;
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Améliorer les habiletés numériques;
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Explorer de nouvelles avenues professionnelles sur le plan de carrière future;
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Inciter les apprenants et les enseignants à devenir des acteurs de leur apprentissage;
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Favoriser la collaboration et le partage d’approches et de solutions entre les écoles;
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Renforcer les habiletés requises pour le 21e siècle chez les apprenants et le personnel scolaire;
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Développer la prise de risque et la résilience;
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Accéder à la formation continue liée aux nouvelles connaissances scientifiques en éducation;
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Améliorer le rendement des apprenants et la qualité de l’enseignement.
Les entrepreneurs liés à ce projet en bénéficieront également. De nouveaux produits, services ou moyens, améliorés et interconnectés, résultant des projets des élèves offriront une visibilité dans la communauté, une valeur ajoutée et de l'espoir aux entreprises confrontées aux conditions changeantes du marché. Non seulement les profits et la communication avec les clients s'amélioreront, mais les entrepreneurs prospéreront en faisant preuve d'ouverture aux compétences numériques et aux développements dans le monde de la technologie et de la recherche. Après tout, la prospérité est une voie à double sens.
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Numérique – Comment améliorer la capacité de numérique et positionner les entreprises pour qu'elles soient plus innovantes, agiles et résilientes en réponse à l'évolution des conditions du marché ?
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Main-d'œuvre de l'avenir – Comment soutenir la transition de l'école au travail, aider les Canadiens de l'Atlantique à acquérir de nouvelles compétences dans des secteurs en croissance et stimuler les compétences numériques?
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Économie verte - Comment favoriser l'adaptation technologique, l'optimisation des déchets, l'énergie propre et la décarbonation des secteurs clés ?
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Inclusion – Comment accroître l'inclusion des groupes sous-représentés et accorder une attention particulière aux peuples autochtones, aux nouveaux arrivants, aux étudiants internationaux, aux femmes et aux jeunes?
LE PLAN
Le projet longitudinal S'entr'Apprendre comprend de quatre grandes phases qui ciblent les étapes de la construction d’une culture d’apprentissage dans une société en évolution rapide. ...Ainsi, les directions d’écoles et des partenaires accompagnent les enseignants et le personnel scolaire renforçant la base de connaissances pour développer et affiner, de façon itérative, leurs habiletés.
1. PHASE D’INITIATION : La première phase de deux ans, démarrée en septembre 2019, consiste à faire le point sur l’état des connaissances pour trouver des solutions aux enjeux éducatifs soulevés par la littérature et les récents rapports du MÉDPE, visant à répondre aux besoins de tous les élèves. Outre les visites d’écoles innovantes et de centres de recherche sur l’innovation, les lectures scientifiques et les discussions, l'Équipe de gestion (DSFS) a soulevé un besoin urgent de lier les écoles au monde du travail pour favoriser le développement des habiletés requises. De la formation sur le leadeurship, les pratiques et les infrastructures innovantes ont donné lieu à une meilleure compréhension du développement d’une culture scolaire avec un leadeurship nourrissant des apprentissages profonds. Ainsi, l’Équipe de gestion, en consultation avec des acteurs éducatifs et communautaires, a procédé au modifications d’espaces d’apprentissage (aménagement et outils technologiques) dans six écoles. En outre, la création du Comité consultatif et une planification à long terme ont été établies.
2. PHASE D’AMPLIFICATION : La deuxième phase de trois ans consiste en la mise en œuvre des étapes du projet comprenant les objectifs, l'indicateur de mesure et les délais. Le projet propose l'aménagement d'espaces pour 15 écoles (cinq par an) avec des objectifs précis. Cette phase capture les expériences des élèves, enseignants, directeurs et membres de la communauté et sert de guide dans l'évolution du projet en établissant des repères pour faciliter des modifications dans le processus de la conception itérative. En fait, les boucles de rétroaction aident à rendre les futures interventions plus fiables dans un système en évolution dynamique.
3. PHASE D’INSPIRATION : La troisième phase s'appuie sur les résultats et les réflexions de la phase précédente pour assurer la continuité du projet, tout en ajoutant les autres écoles du district et des écoles des autres districts.
4. PHASE D’ANCRAGE : Pour assurer un véritable changement, la quatrième phase permet de sécuriser la transition vers un projet suivant. D'une durée de trois ans, elle nécessite la conduite du changement en profondeur vers la consolidation des nouvelles pratiques. Cet ancrage qui présente le début d'une transformation culturelle de l'école requiert un accompagnement bien piloté pour toutes les personnes impliquées afin d’assurer la pérennité des nouvelles pratiques toute la durée du projet. Ce n’est qu’alors que les collaborateurs pourront affronter de nouveaux défis.